Le Loup gris, de son nom latin Canis lupus lupus, est un mammifère faisant partie des canidés. Évoluant en meute, il est considéré comme l'animal le mieux organisé et hiérarchisé, après l'Homme. Carnivore, il se nourrit de grands ongulés et, dans nos régions, de cervidés comme les Chevreuils ou les Cerfs lorsqu'il évolue en meute. Seul ou en couple, il peut se nourrir de plus petits mammifères comme les Lièvres ou les Lapins. Il est un super-prédateur et a une importance capitale dans ses milieux de vie, comme par exemple dans le Massif Central.
Une présence indispensable dans un écosystème
Comme expliqué précédemment, pendant le XIXème siècle, les Loups ont subi une chasse très importante et ont été exterminés. A cette époque, la France reste un pays très rural malgré le développement industriel. En plus de cela, les habitants ne se préoccupent pas de la situation de la nature qui est bonne et qui n’a pas encore tous les problèmes d’aujourd’hui (pollution, réchauffement climatique…). Les populations ont surtout cherché à faire avancer l’agriculture et plus précisément l’élevage ovin. Sans loups les ovins ne risquaient plus rien, le travail des bergers était facilité par l’absence de prédateurs. Les troupeaux avaient moins besoin de protection et de surveillance ce qui libérait la main d’œuvre (souvent des enfants) pour d’autres tâches ou d’autres activités de la ferme.
Il ne faut pas oublier non plus que les Loups ont été chassés car les hommes ont toujours ressenti beaucoup de peur vis-à-vis de cet animal fascinant. Leur chasse pouvait donc être un moyen pour eux de se sentir en sécurité et d’avoir aussi un sentiment de puissance.
En France, le Loup gris fait partie des trois « super-prédateurs », avec le Lynx boréal et l’Ours brun. Cela signifie que ces trois espèces sont au sommet de la chaîne alimentaire, et n’ont donc pas de prédateurs. Sans le loup dans le Massif Central, l’écosystème* s’est petit à petit dégradé. Les ongulés passent au sommet de la chaîne alimentaire et deviennent donc les « moteurs » de l’écosystème. Les populations de cervidés, sans prédateur, n’ont plus besoin de se déplacer pour fuir et gardent le même territoire à vie. Les hardes* détruisent la flore sur un espace restreint et entraînent la diminution voire la disparition de certaines espèces de végétaux puis d’insectes, chose qu’on peut constater avec l’Azuré du trèfle, espèce qui pond dans la plante portant son nom et connaissant une immense diminution avec les disparitions des prairies mésophiles*. Pour des hardes dont le milieu de vie est la ripisylve*, le problème se répète : les cervidés se nourrissent des jeunes pousses d’arbres empêchant la formation de racines solides qui consolident les berges. Le lit des rivières est alors modifié, favorisant les crues et les inondations, phénomènes destructeurs pour de nombreuses espèces :
- destruction totale de plantes et de végétaux sur le périmètre inondé,
- destruction de nichée d’oiseaux,
- inondation des tanières de mammifères (loutre, blaireau, rat musqué…),
- destruction de hutte de castors.
Destructions et dommages qui mettent en péril ces espèces.
Des épidémies surviennent dans les hardes de cervidés. En effet, sans la présence du loup qui attaque prioritairement les individus plus faibles, des maladies comme l’encéphalopathie des cervidés se développent beaucoup plus facilement, pouvant entraîner la disparition d’une harde entière. Les cervidés n’occupant donc qu’un seul territoire sans le moindre mouvement important, cette zone reste inoccupée pendant plusieurs années. Les cervidés étant le sommet de la chaîne alimentaire, l’absence d’un maillon de cette chaîne entraîne un déséquilibre important de l’écosystème. Ce dernier peut être la surpopulation d’espèces végétales mais surtout une densité trop importante d’arbres dans les forêts, ce qui peut entraîner une mauvaise consolidation des sols par les racines, des difficultés pour les arbres à réaliser leur métabolisme*, un mauvais stockage du dioxyde de carbone et donc une mauvaise santé globale du peuplement forestier.
Forêt en bonne santé
Forêt typique du Massif Central (Saugues, domaine du Sauvage)
L’absence d’un maillon de la chaîne alimentaire d’un écosystème engendre un fort déséquilibre dans ce dernier, ce qui fut le cas avec le Loup dans le Massif Central depuis son extermination. Les conséquences de cette absence viennent d’être expliquées, et le retour du Loup dans notre massif pourrait remédier à long terme à cet écosystème défaillant que certains déplorent.
Le cas du parc du Yellowstone est un exemple concret de restructuration d’un écosystème en déclin.
Un peu de concret
Le Yellowstone est un parc national situé dans la partie Nord-Ouest des États-Unis, sur un plateau d’altitude à une moyenne de 2400 mètres. Bien qu’il reçoive un certain nombre de touristes, il contient une biodiversité très large, parmi laquelle plusieurs espèces en danger comme le Grizzly ou le Pygargue à tête blanche, emblème du pays.
Autrefois, le Loup était le prédateur numéro un dans le parc national du Yellowstone. En 1914, une loi fut votée pour éliminer les animaux soi-disant nuisibles à l’agriculture mais surtout à l’élevage, dans lesquels le Loup était compris, par erreur évidemment. Pendant les années 20, l’espèce subit une chasse trop intensive jusqu’à être totalement éradiquée et disparue de ce lieu au début des années 30. Suite à cela, le parc a connu une évolution assez négative, avec des disparitions d’espèces animales et végétales à l’échelle du parc, mais aussi avec une mauvaise évolution des rivières, des berges, des lacs ou encore des forêts, tous les milieux de vie des espèces, suite à une expansion trop importante des populations de cervidés comme les Wapitis.
C’est 60 ans plus tard, en 1995, que l’on va se rendre compte du poids de cette absence sur le parc, et réintroduire les Loups. Le résultat de cette réintroduction a été considéré comme un réel miracle, tant ses résultats furent inespérés.
Tout d’abord, les Loups ont commencé par chasser les populations de Cervidés, ce qui entraîna une diminution de ces animaux. Mais ce n’est pas tout, ils ont aussi poussé les Cervidés à éviter certains endroits dans lesquels ils pouvaient être des proies faciles, ce qui a pu permettre à certaines espèces de végétaux de pousser et de se développer. En se développant, ces végétaux ou même ces arbres comme les saules et les peupliers ont permis l’expansion d’espèces d’insectes.
Ces débuts de développement de la biodiversité* du parc ont permis des changements encore plus grandioses. Des espèces d’oiseaux friands d’insectes et de baies sont revenus immédiatement, comme par exemple plusieurs espèces de pics mais aussi d’oies comme la Bernache du Canada. Les oies ne sont pas les seuls animaux progressant dans les milieux humides à avoir fait son retour. Il y a aussi le fabuleux Castor, qui avait déserté les lieux depuis des décennies suite à l’absence des Loups et donc aux modifications des rivières expliquées précédemment, et qui, avec ses barrages, engendra le retour de la Loutre, du Rat musqué et de nombreux reptiles et anatidés*.
Toujours dans le domaine des rivières, les Loups ont créé un équilibre entre prédateurs et proies, ce qui permit à d’autres espèces des rivières de prospérer. Notamment au niveau des végétaux près des berges, qui ont empêché l’érosion et permis aux berges d’être plus stables. Les canaux* se sont donc rétrécis, et les bassins* ont été plus nombreux, rendant les cours des rivières plus stables.
Les carnivores sont aussi des animaux n’aimant pas la concurrence, donc les Loups ont été en conflit avec les Coyotes, espèce qui pullulait en l’absence du Loup. Ces mammifères ne font pas le poids face au Loups, beaucoup d’entre eux ont donc été tués. Les populations de lapins et de souris ont donc pu s’accroître, ce qui a logiquement attiré leurs prédateurs : blaireaux, renards roux, faucons ou belettes et martres. Même les populations de Pygargues à tête blanche, pourtant en danger, ont augmenté.
Pour revenir en France, il est important de souligner que l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ) et l'ONF (Office National des Forêts), organismes ayant les connaissances les plus complètes des peuplements forestiers en France, sont pour le retour du Loup. Depuis son extinction, ils se sont rendus compte de la dégradation des peuplements forestiers et estiment que son retour ne peut être que bénéfique, si les bonnes mesures sont prises.
En résumé, le parc du Yellowstone est le parfait exemple à suivre pour le Massif Central, car il aura permis la restructuration d'un écosystème entier, ce qui pourrait être quelque chose de magnifique par chez nous, la possibilité d'entendre le Loup chanter et le Cerf élaphe bramer paraît si belle !
Définitions :
Écosystème : Unité écologique formée par un milieu et les organismes vivant dans ce dernier.
Harde : Troupe de bêtes sauvages vivant ensemble.
Prairie mésophile : Formation végétale herbacée installée sur un sol fertile et drainé.
Ripisylve : Formation boisée présente sur les rives d'un cours d'eau.
Métabolisme (ici, des arbres) : Ensemble des transformations chimiques et biologiques de l'organisme (photosynthèse).
Biodiversité : Diversité des espèces vivantes présentes dans un milieu.
Anatidés : Famille d'oiseaux contenant notamment les canards, les oies et les cygnes.
Canaux : Ici, bras de rivière
Bassins : Ici, territoire arrosé (par fleuves et rivières).